Redha Menassel : le combat des femmes algériennes

Redha Menassel est journaliste algérien, depuis plus de 15 ans et vit à Alger.  Bien qu’il travaille principalement à la radio, il a récemment commencé à explorer le monde passionnant du « documentaire ».   Ce qui lui permet ,dit-il ,de raconter les histoires qu’il souhaite sans avoir les contraintes habituelles de son métier.  Interview.

I-Dialogos : Vous avez commencé par quel film ?  

Redha Mennassel : En 2020, j'ai réalisé mon premier film intitulé "Objectif Hirak" pour le compte du site Médiapart.  Ce film raconte la première année des grandes manifestations algériennes de 2019, qui ont conduit à la chute de Bouteflika, à travers les yeux de cinq photographes algériens, présents dès le premier jour pour immortaliser cette histoire en marche.
Bien que nous l'ayons fait avec des bouts de ficelle, il a connu une sympathique vie lors de festivals et j'en suis heureux. 

I-D : Est-ce facile de faire du documentaire en Algérie ? 

R.M. ::Si vous ne faites pas partie d'un "certain cercle", si vous refusez d'édulcorer votre travail, de le rendre moins percutant, moins pertinent, alors non, ce n'est pas facile. D'ailleurs, la récente proposition de loi sur le cinéma en Algérie ne fait rien pour rassurer les cinéastes. En effet, je suis choqué de voir qu'elle prévoit des amendes et des peines de prison allant jusqu'à trois ans pour des films jugés dérangeants. Jugés par qui ? Selon quels critères ? Mystère. Le secteur du cinéma en Algérie est déjà confronté à de nombreux problèmes et commencer une "réforme" par de la coercition et de la censure n'est certainement pas la solution. 

I-D : Sur quoi travaillez-vous actuellement ? 

R.M. :: Mon deuxième documentaire qui est en postproduction en ce moment s'appelle "Des ailes", c'est un film résolument féministe que j'espère pouvoir sortir en 2023. 

i-D :  Justement, quelle est la condition des femmes en Algérie ?

R.M. :: Les choses changent, indubitablement, mais les Algériennes restent confrontées à de nombreux défis : l'abrogation du code de la famille, les violences sexuelles et domestiques, l'accès aux postes à responsabilités, etc…

Néanmoins, il y a une véritable révolution féministe qui touche le pays avec des militantes qui travaillent activement pour améliorer la condition des Algériennes. je pense notamment à Wiam Awres et Narimane Mouaci Bahi, les fondatrices de la plateforme féminicides Algérie qui répertorie les meurtres de femmes, qu'on continue cyniquement à qualifier de "crimes d'honneur" ici, ou encore Amel Hadjadj du Journal Féministe Algérien qui fait des choses formidables jusque dans les villages les plus reculés du pays. 

I-D : Est-ce qu'un film peut changer les choses ? 

R.M. :: Non. Mais dix, vingt, cent films le peuvent. J’y crois férocement.

I-D : Est-ce que c’est plus simple de raconter ça quand on est un homme ?


R.M. :: Disons que cela surprend. Un journaliste algérien qui se dit féministe ? Dans une société patriarcale comme la nôtre ?   Il y a forcément anguille sous roche.
Pour le reste, je connais des journalistes femmes et des réalisatrices qui montent au charbon chaque jour, font des reportages de terrain, réalisent des films poignants dans des conditions qui ne sont pas toujours évidentes.
Leur abnégation, qui force le respect, est cruciale pour avancer, ensemble. 

Propos recueillis par Marc PINEL - le 29/03/2023


Redha Menassel  est titulaire d’un Master 2 de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille (France).  il est depuis 2009 reporter de terrain et présentateur de journaux d’informations et animateur d’un magazine-radio. il a travaillé à Canal Algérie,  a été rédacteur en chef de Canal IFA et a collaboré à de nombreux journaux en Algérie et à l’étranger. Il a été lauréat de prix de journalisme dans son pays dont le Media Stars, le prix de l’Unicef et le 2ème prix Ali Bey Boudoukha pour le journalisme d’investigation. Redha est en cours d’écriture d’un livre « 100 portraits de féministes algériennes. »