La RDC à la croisée des chemins: une nouvelle stratégie s’impose. Tina MWANGELU

Tina Mwangelu, Franco-Congolaise professionnelle en gestion financière est particulièrement engagée en faveur des droits humains et de la justice sociale. Forte de son expérience et de son implication dans des initiatives associatives, elle s’efforce, avec courage et lucidité,  de mettre en lumière les enjeux humanitaires en République démocratique du Congo, tout en promouvant des actions concrètes pour un développement durable et équitable. Convaincu de la puissance du dialogue, de l’histoire et de la solidarité, Tina Mwangelu a rejoint I-Dialogos.

La République Démocratique du Congo (RDC) vit une crise humanitaire sans précédent depuis plus de trois décennies. Avec plus de 7 millions de déplacés internes [i]et plus de 10 millions de morts la souffrance du peuple congolais est immense. Ce drame, aggravé par des violences sexuelles de masse et un pillage économique systématique, reste largement ignoré par la communauté internationale. L’article du quotidien français Le Monde du 09 janvier 2025 fait l’impasse sur ces chiffres tragiques et se concentre sur des aspects qui ne permettent pas de saisir toute l’ampleur de la situation. 

Un pays sacrifié au nom du développement mondial 

L’article effleure l’exploitation des ressources naturelles de la RDC, mais sous-estime l’importance géopolitique de ces richesses pour le développement mondial. 

Considéré comme un « agneau sacrificiel » du monde moderne, la RDC a d’abord été exploitée durant la colonisation par le Royaume de Belgique pour satisfaire les besoins industriels des grandes puissances. Du caoutchouc pour accompagner l’industrialisation de l’automobile avec l’avènement du pneu, l’uranium utilisé pour fabriquer la bombe atomique larguée sur Hiroshima, en passant par les minerais stratégiques comme le coltan et le lithium, essentiels à la production de technologies modernes. 

La RDC a toujours été un fournisseur clé du commerce mondial. Cependant, sa population est la grande oubliée qui continue a payer un lourd tribu pour le rôle que les puissances ont attribué au pays, le prix de son sang. Les ressources étant extraites dans des conditions souvent illégales, utilisant le travail des enfants et ne profitant principalement qu’aux multinationales. 

Le Congo est perçu non pas comme un pays souverain mais comme un réservoir de matières premières stratégiques à exploiter sans égard pour ses habitants. Cette exploitation géopolitique est cruciale pour comprendre la crise actuelle. L’article du journal Le Monde néglige cette dimension essentielle. La RDC reste un territoire, une espèce de Res Nullius,  où les puissances mondiales se servent, dénuées de toute considération pour les droits et le bien-être de ses citoyens. 

La progression du M23, la souveraineté en jeu et l’inaction internationale 


L’article met en lumière l’avancée du M23 dans l’Est de la RDC, soutenu par le Rwanda, mais néglige d’insister sur l’établissement d’un « État parallèle » par ce groupe armé, qui administre les territoires occupés. Cette situation remet en cause la souveraineté de la RDC, car elle permet au M23 de contrôler des zones stratégiques tout en privant le gouvernement congolais de son autorité. L’inaction de la communauté internationale face à cette occupation tacite et l'absence des sanctions du Conseil de Sécurité de l’ONU montrent un soutien implicite à l’agenda expansionniste du Rwanda, dont les liens avec des acteurs internationaux, laissent planer des doutes sur des complicités. 

Ce double standard est d’autant plus frappant lorsque l’on compare cette cécité face au Rwanda avec les sanctions immédiates infligées à la Russie lors de son annexion d’une partie de l’Ukraine. Tandis que le Rwanda poursuit sa déstabilisation de la RDC sans conséquences, la diplomatie internationale expose ainsi son manque de volonté, son hypocrisie et sa gestion sélective des conflits géopolitiques. En refusant d’agir, l’ONU laisse la RDC et son peuple dans une situation de vulnérabilité extrême d’autant plus que la RDC est sous embargo des armements [ii]. 

Le processus d’annexion économique et territoriale est ainsi mis en lumière,  les richesses naturelles de la RDC sont exploitées par des puissances étrangères via le Rwanda au détriment de la souveraineté congolaise. Ce qui fait écho aux propos tenus par le président Nicolas Sarkozy qui en 2009 demandait aux Congolais de céder une partie de leur territoire au Rwanda [iii]. Cette inaction acte de facto la balkanisation des territoires congolais au profit du Rwanda  que d’aucuns font fit d’ignorer. 

L’échec des processus de paix 


Les échecs successifs des négociations de paix, comme le sommet de Luanda en décembre 2024, montrent l’impasse diplomatique dans laquelle est mise la RDC. Le cessez-le-feu de juillet 2024 a été violé, mettant en évidence les limites d’une diplomatie internationale déconnectée des réalités géopolitiques du conflit. 

Repenser la diplomatie congolaise : vers des partenariats stratégiques 

La République Démocratique du Congo (RDC) est confrontée à des défis existentiels, exacerbés par des forces internationales qui redessinent les rapports de pouvoir. Dans ce contexte, l’avènement de la présidence Trump et les changements géopolitiques globaux offrent une opportunité unique pour que la RDC redéfinisse sa trajectoire et tire son épingle du jeu. L’urgence est palpable : ceux qui nourrissent l’agenda de la balkanisation du Congo exploitent le temps à leur avantage, tandis que des groupes armés comme le M23 soutenus par le Rwanda continuent de gagner du terrain, parcelle après parcelle, kilomètre après kilomètre. 

Si rien n’est fait pour endiguer cette menace, le pays court un risque réel de disparition dans les années à venir. Face à cette impasse, il est impératif que la RDC réoriente sa politique étrangère et explore des partenariats stratégiques en dehors des institutions internationales qui, jusqu’à présent, ont montré leurs limites. 

Une approche proactive consistant à valoriser ses ressources naturelles sur son propre sol, en mettant en œuvre des politiques qui placent la RDC au centre des discussions mondiales. Avec ses vastes réserves forestières, minérales et hydriques, le Congo peut non seulement contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi se repositionner comme un acteur clé sur la scène internationale. Cette refonte de la diplomatie congolaise exige une vision, un leadership fort et une mobilisation nationale pour défendre l’intégrité territoriale et assurer un avenir durable pour les générations à venir. 

Le silence médiatique : un obstacle à la souveraineté de la RDC 

Le silence persistant des médias internationaux à propos des tragédies en RDC n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat des intérêts des grands financiers qui dictent les orientations politiques mondiales. Ce mutisme, orchestré pour maintenir les opinions publiques dans l’ignorance et éviter toute pression, ne doit pas décourager les Congolais et leurs alliés à travers le monde. Ils doivent redoubler d’efforts pour briser cette omerta, sensibiliser l’opinion mondiale, et défendre la souveraineté du pays. 

La RDC, quant à elle, doit intensifier ses démarches juridiques pour traduire en justice les auteurs des crimes commis sur son sol, tout en réaffirmant ses droits sur la scène internationale. En parallèle, la société civile congolaise et sa diaspora jouent un rôle clé à travers des campagnes, manifestations, plaidoyers, et partenariats stratégiques. Ces dynamiques de résistance essentielles pour contrer la balkanisation du pays sont largement ignorées par des médias influents. 

Un avenir à réinventer 

La RDC doit impérativement se réinventer face aux menaces qui pèsent sur sa souveraineté. En dépit du silence des médias et de l’inaction internationale, la mobilisation de tous les Congolais et de leurs alliés reste la clé pour défendre ses droits, valoriser ses ressources et garantir un avenir stable et juste pour les générations à venir. 


https://www.unocha.org/publications/report/democratic-republic-congo/republique-democratique-du-congo-personnes-deplacees-internes-et-retournees-mars-2024

https://press.un.org/fr/2024/cs15749.doc.htm

https://www.courrierinternational.com/article/2009/01/20/sarkozy-veut-depecer-la-rdc


Précdents articles sur le sujet de Déo NAMUJIMBO

 et de Michela WRONG