Pourquoi la Genève internationale doit se réinventer

Guy METTAN est ancien directeur de la Tribune de Genève et du Club suisse de la presse et auteur notamment de « Russie-Europe, une guerre de mille ans » et de « le continent perdu, Plaidoyer pour une Europe démocratique et souveraine » aux Editions des Syrtes et du « nouveau dictionnaire impertinent de la Suisse » chez Slatkine.

En juillet, l’Organisation de coopération de Shanghai a incorporé l’Iran et la Biélorussie. Fin août, le sommet des BRICS s’est élargi à onze membres avec l’adhésion de six nouveaux pays. Début septembre, le G20 a refusé de condamner la Russie selon la demande des pays occidentaux. Mi-octobre, le 3e Forum des Routes de la Soie a eu lieu à Pékin en présence de représentants de 130 pays. 

On peut relativiser ces événements et prétendre qu’ils sont voués à l’échec car il s’agirait d’alliances improbables qui ne sauraient compter face à la « communauté internationale » incarnée par les vertueuses démocraties du G7. On peut. Mais ce serait une erreur. 

Car il faut être aveugle pour ne pas voir que le monde est en train de basculer dans une nouvelle réalité, multipolaire, et que l’ordre occidental « basé sur des règles » est en train de vaciller. 

Même les organes de réflexion américains les plus en vue, tels Foreign Affairs et Foreign Policy, en ont pris acte, qui multiplient les papiers sur le sujet. 

Dans sa conférence au Graduate Institute, le professeur Gassam Salamé a bien résumé l’évolution en cours : le monde n’est plus unipolaire, il n’est pas bipolaire (car la Chine n’a pas d’ambition globale), il est multipolaire avec une primauté américaine sur le déclin. 

Même l’Afrique, continent jusqu’ici sous emprise post-coloniale, revendique bruyamment sa place sur la scène internationale. 

Deuxième constat, le retour des guerres. Ce n’est pas que la guerre avait déserté la planète depuis trente ans – voir la Serbie, l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie, la Libye, le Soudan ou le Yémen - c’est qu’elles étaient devenues invisibles en Occident. En faisant irruption sur le continent européen, les conflits ukrainien et israélo-palestien viennent nous rappeler que les guerres ne sont pas derrière nous mais devant. 

Troisième constat, l’effondrement du multilatéralisme suite au moment unipolaire américain et à la tendance des Etats-Unis à abuser de leur suprématie. 

L’invasion de l’Irak et l’occupation de la Cisjordanie ont montré que l’Occident était prêt à piétiner l’ordre légal mis en place en 1945. Elles ont légitimé le recours à la force et discrédité l’idée même de négociation. 

La dernière assemblée générale des Nations Unies a pris acte de la mort clinique du multilatéralisme : les présidents de quatre des cinq pays membres permanents du Conseil de Sécurité ont snobé la réunion, tout comme le premier ministre indien, tandis qu’Olaf Scholz, dont le pays revendique pourtant un siège de membre permanent, s’adressait à un auditoire plus clairsemé que celui du chef de la junte guinéenne ! 

Ces évolutions sont déterminantes pour l’avenir de la Genève internationale. 

Que faire ? 

Rester les bras croisés ? Faire corps avec le camp euro-atlantiste au nom d’une neutralité « coopérative » ? Ou se battre pour aider à résoudre les problèmes comme l’ont fait nos prédécesseurs pendant la Guerre froide ?


Pourquoi les États-Unis et l’Europe détestent-ils tant la Russie? Alors que la Russie ne représente plus une menace, que ses missiles ne sont plus pointés sur Berlin, que, fait sans précédent dans l’histoire, elle a dissous son empire sans effusion de sang, rendu leur liberté aux pays occupés d’Europe centrale et permis l’indépendance pacifique de quinze nouveaux États, la haine et le dénigrement de la Russie atteignent des proportions inouïes dans les médias, les cercles académiques et les milieux dirigeants occidentaux. Pour comprendre cet acharnement, devenu hystérique avec la crise ukrainienne, Guy Mettan remonte loin dans l’histoire, jusqu’à l’empereur Charlemagne. Il examine sans tabou ni a priori les lignes de forces religieuses, géopolitiques et idéologiques dont se nourrit la russophobie occidentale. Et démonte les ressorts du discours antirusse et anti-Poutine qui ont pour effet de repousser toujours plus loin les chances d’une vraie réconciliation. / Mai 2015