La tragédie de Gaza et le "double standard" des médias occidentaux ?              Taieb CHADI

Co-fondateur du quotidien Les échos, ancien rédacteur en chef du quotidien Le Soir et  correspondant de l’agence AP Maroc, Taieb Chadi est aujourd'hui consultant en médias et journaliste indépendant. Il est aussi, et entre autres, chercheur à l’International Studies Association comme expert en terrorisme et mouvements islamiques. Après une formation aux Etats Unis à la JFK School of Government à Boston, il a pu effectuer des stages au département d’Etat Américain à Washington, puis au Secrétariat des Nations Unies à New York, et au Parlement européen sur la relation entre médias européens et du « Sud », ainsi qu’à la BBC et au Financial Times à Londres. Taieb Chadi est de nationalité marocaine et basé à Casablanca, au Maroc. Taieb vient de nous adresser cette analyse comme contribution au débat sur le rôle des médias, notamment occidentaux, à Gaza, au  Liban et ailleurs dans le monde. 

contact@i-dialogos.com 

Rien ne sera plus comme avant.  Le massacre du 7 octobre 2023 a prouvé encore une fois aux plus pacifistes qu’une injustice commise menace toujours la justice. Ces attaques sanguinaires ont démontré aux plus légalistes qu’on fait encore et toujours fausse route en faisant porter la pleine responsabilité de cette dramatique situation uniquement aux palestiniens dont le seul tort est, en réalité, d’exercer, par les moyens à leur disposition, leur droit légitime à la résistance. Ce carnage a rappelé aux plus amnésiques que l’origine véritable de cette insoutenable violence n'est rien d’autre que l'occupation de la Palestine par un État raciste et colonialiste, un État d’apartheid, qui massacre au quotidien des populations civiles palestiniennes et qui commet de crimes constants contre l’humanité. Cette journée noire dans l’Histoire de l’Humanité a démontré aux plus optimistes que le monde fonctionne infiniment en « double standard ». 

Ce qui relève de l’anticolonialisme pour les uns est considéré comme du terrorisme pour les autres. Ce qui est violation pure et simple du droit international devient subitement un droit acquis et absolu de se défendre. Et puis, il y a ceux qu’on baptise victimes innocentes de la barbarie humaine et d’autres considérés comme victimes collatérales de la lutte contre le terrorisme. 

Une sématique à géométrie variable

La sémantique et la rhétorique utilisées sont à géométrie très variable. On parle d’une guerre alors qu’il s’agit de crimes contre l’humanité, on parle du droit de défense en lieu et place du colonialisme ! 

C’est le point de vue, il y a plus d’un siècle, de Ferdinand De Saussure, un linguiste suisse. Aujourd’hui, c’est le sujet qui fait le point de vue. Le sujet est presque le même. Dès qu’il s’agit d’Israël, le traitement médiatique en occident n’est point le même. Hormis quelques voix dissonantes, il y a un quasi consensus sur le droit d’Israël d’exister « quoi qu'il en coûte ».  Même si le prix est de marcher triomphalement sur les cadavres du peuple palestinien, considéré comme un bouclier humain aux mains de Hamas. 

Il ne s’agit pas là de faire une plaidoirie en faveur de cette organisation ou de toutes les organisations fichées comme « terroristes » par le Droit international, le même qui permet à Israël de lancer des milliers de tonnes de bombes sur des civils palestiniens isolés et affamés dont le seul crime est d’être là, chez eux, sur leur terre et la terre de leurs ancêtres.  

Cela rappelle le « pêché originel ».  Un autre massacre perpétré, Il y a 76 ans, par les milices sionistes Irgoun et Stern Gang qui ont dévasté des villages palestiniens, massacrant les villageois et expulsant ceux qui restaient en vie, pour ouvrir la voie à la création de l’État d’Israël. On estime que 15 000 Palestiniens ont été tués et que quelque 750 000 ont fui leur foyer pour se réfugier dans d’autres parties de la Palestine ou dans les pays voisins. Parmi les personnes massacrées, qu’il s’agisse de celles qui ont été attachées à des arbres et brûlées vives ou de celles qui ont été alignées contre un mur et abattues par des mitraillettes, beaucoup étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées. Ce pogrom a été planifié et autorisé par David Ben Gourion, proclamé, quelques semaines après, premier ministre de l’État hébraïque.

Les faits sont têtus. Et l’Histoire, comme a écrit Karl Marx, se répète en deux temps, la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce ! Une farce plus tragique ! Car ce qui se passe en Palestine en est une ! Depuis Un an, le gouvernement israélien Netanyahu a commis et commet des crimes contre l’humanité. Israël est en train d’exterminer de ce qui reste du peuple palestinien.  Et cela avec le soutien diplomatique, sécuritaire et militaire de l’Occident dont les États Unis d’Amérique et l’Europe notamment. Et cela, également, avec la couverture médiatique très complice d’une grande partie de la presse occidentale. 

Le rôle des Médias occidentaux ?

Oui, la quasi majorité des médias occidentaux ont fait fi des règles les plus élémentaires de notre métier. Ils ont choisi leur camp. Le camp d’Israël contre celui de la Palestine. Aussi bien à Gaza, à la Cisjordanie et depuis quelques semaines, au Liban.

Oui, la quasi majorité des médias occidentaux ont réservé un traitement déséquilibré dans cette opération de liquidation pure et simple du peuple palestinien qu’ils qualifient curieusement de « conflit » alors que nous assistons à des actes génocidaires en images et en direct et ce malgré tous les appels des Nations-Unies et de toutes les agences humanitaires.   

Oui, beaucoup de médias occidentaux dénoncent tout acte ou tentative du peuple Palestinien à repousser l’envahisseur et le colonisateur alors que les mêmes médias qualifient de droit le plus légitime et de bravoure toutes les opérations militaires des Ukrainiens à riposter aux agressions de la Russie de Vladimir Poutine. Une unanimité totale sur le droit de l’Ukraine à défendre son sol et même sa légitimité à attaquer la région de Koursk en Russie. 

Les médias mainstream assument une grand part de responsabilité dans ce « double standard ».  Au nom de l’information, ou plutôt de la désinformation, on considére que la vie d’une centaine d’otages israéliens vaut plus que celle de plus 40.000 milles palestiniens délibérément assassinés à Gaza par l’armée israélienne. Alors que toutes les vies se valent.  
Au nom de la propagande, on présente l’exode forcé de plus 100 milles palestiniens survivants à Gaza comme une nouvelle chance pour eux offert par Israël. Alors qu’il s’agit d’une nouvelle “Nakba”, un exode sans espoir de retour ! 

D’autres médias ont été même jusqu’à laisser entendre que le peuple Israélien a le droit absolu de vivre en paix. En clair, le peuple palestinien, lui, mérite d’aller en enfer. Son seul péché est d’avoir osé réclamer et défendre sa terre ! Le colonialisme et les colonialistes sont érigés en vertu et héros ! La lutte pour l’indépendance et ses résistants sont criminalisés. Le peuple israélien est présenté comme étant supérieur au peuple palestinien qu’on a détruit ses habitations, ses hôpitaux et ses écoles. Point d’égalité des droits. C’est la loi du plus fort. Et on oublie malheureusement que les hommes sont devenus des hommes au moment où ils ont refusé la loi du plus fort ! 

Photo DR.

L’accès à Gaza interdit aux médias étrangers 

Au nom de la liberté d’expression qu’ils proclament défendre, des médias occidentaux ont été malheureusement partials. L’armée israélienne a interdit l’accès à Gaza aux médias étrangers et choisi certains d’entre eux pour effectuer des reportages sous son total contrôle. Et ce sont surtout ceux-là totalement « embedded » qui nous ont gratifié d’images et d’informations carrément « fake ».

 Vues de Casablanca, Tunis, Tripoli, Le Caire, Khartoum, Riyad ou même de certains quartiers de Paris, Londres ou Berlin, les analyses tendancieuses sur ce qui se passe à Gaza diffusées par les grandes plateformes médiatiques internationales ont le même effet que chaque agression menée par la machine de guerre du gouvernement de Benjamin Netanyahu et de ses alliés religieux et de l’extrême droite contre le peuple palestinien. Un nouvel ordre mondial de la désinformation. La Désintox totale ou le contre-pouvoir a choisi de vendre son corps et âme aux Pouvoirs du plus fort !

Taieb Chadi, 7 octobre 2024

Lire également :

=> Les médias mettent-ils en danger la démocratie ? Habiba MEJRI CHEIKH

=> Raison et dialogue sont ils encore possible ? Yakov M.RABKIN

=Guerre Israël-Hamas : le regard de l’écrivaine libanaise Dominique EDDE

=> Les révélations du journaliste congolais Déo NAMUDJIMBO

RAISON ET DIALOGUE SONT ILS ENCORE POSSIBLES ?

RAISON ET DIALOGUE SONT ILS ENCORE POSSIBLES ?